Age : 15 ans et +
Éditeur : L’Iconoclaste
220 pages
Note :
A quinze ans, Lisa est une adolescente en vrac, à la spontanéité déroutante. Elle a eu des seins avant les autres filles. Des seins qui excitent les garçons. Mais Lisa change et devient sombre. Elle semble en permanence au bord des larmes. Acculée par ses professeurs, elle finit par avouer. Un homme a abusé d’elle, plusieurs fois. Les soupçons se portent sur Marco, un ouvrier venu faire des travaux chez ses parents. Marco n’a jamais été longtemps avec une femme. Il a essayé les hommes. Il boit trop. Il écrit des lettres rageuses pour sa défense, pleines de points d’exclamation. Sans hésitation, Marco est condamné à dix ans de prison. Lors du procès en appel, Lisa est majeure. Elle débarque dans le bureau d’Alice, une avocate de la petite ville de province. « Je préfère être défendue par une femme. » C’est comme cela que tout a commencé.
J’adore les romans, films et séries judiciaires. Lorsque j’ai découvert le résumé de La Petite menteuse de Pascale Robert-Diard j’ai tout de suite une envie de le découvrir. L’histoire est à la croisée du documentaire et de la fiction, sans doute parce que son autrice est surtout connue en tant que chroniqueuse judiciaire depuis de nombreuses années pour le journal Le Monde. Elle nous plonge ici dans un quasi huis clos, très immersif, qui se lit d’une traite.
Dés le début, le titre du roman fait sens. À quinze ans, Lisa, une adolescente fragile, accuse Marco, un ouvrier travaillant chez ses parents, de l’avoir violée. Les preuves manquent, mais son témoignage suffit : Marco est condamné à dix ans de prison. Quatre ans plus tard, majeure, Lisa entre dans le bureau d’Alice, une avocate de province. Elle veut être défendue par une femme. Surtout, elle a menti. Dès les premières pages, le lecteur connaît cette vérité mais pourtant le suspense ne faiblit jamais : pourquoi Lisa a-t-elle menti ? Et surtout, comment la justice, et nous en tant que lecteur, allons-nous réagir à ce mensonge qui a détruit une vie ?
La Petite menteuse se déroule principalement dans le cabinet d’Alice et lors du procès en appel. Pascale Robert-Diard nous fait ressentir la tension d’un procès aux assises. Elle confronte vérité et morale. En suivant Alice Kéridieux on devient, nous aussi, membre du jury. Tout au long de la lecture, on se questionne. Qu’aurions-nous fait face à Lisa, à son mensonge, à ce qu’elle a fait subir à Marco pendant des années ?
Impossible de ne pas penser à la célèbre et terrible affaire d’Outreau en lisant La Petite menteuse. Depuis, d’autres procès ont démontré et mit en lumière une réalité crue et cruelle : les enfants peuvent mentir et les filles, les femmes aussi. Ce constat, malheureux, dérangeant, glaçant, est traité avec une grande subtilité par l’auteurice, qui ne tombe jamais dans le piège de la caricature ou du jugement hâtif. Pascale Robert-Diard préfère aussi concentrer son récit sur une question : pourquoi Lisa a-t-elle menti à quinze ans ? En creusant les failles de l’adolescence, l’auteurice explore avec justesse la violence de cette période pour certains, pour de multiples causes.
Il reste que La Petite menteuse est un roman coup de poing, qui fait aussi écho à l’actualité, notamment le mouvement #MeToo. Si le roman met en lumière les dégâts irréversibles d’un mensonge, il interroge aussi notre attitude face à la parole des victimes et notre jugement parfois attif. En tant que professeur-documentaliste, cette lecture m’a particulièrement interpellée car deux enseignants jouent un rôle crucial dans l’histoire. A travers eux, on comprend alors à quel point accueillir la parole d’un enfant, prendre le recul nécessaire pour démêler le vrai du faux, est difficile…
Le roman se conclue avec brio sur le réquisitoire d’Alice, une plaidoirie choc. On ne connaîtra pas le verdict, chacun étant invité à trancher en son intime conviction…