Mortelle mémoire de Jean-Paul Nozière

Age : 15 ans et +
Éditeur: Gallimard Jeunesse (2009)
160 pages

Note : 3 out of 5 stars

A Vron, village de l’Est de la France, il ne se passe pas grand chose jusqu’à l’arrivée de « l’Allemand ». Intriguée par ce jeune homme renfermé de 27 ans qui est passionné de chevaux, Ariane, 15 ans, rode autour de la ferme de ce dernier en nourrissant les bêtes. C’est alors que « l’Allemand » décide de l’embaucher pour l’été afin qu’elle s’occupe des chevaux. Un jour, il lui faire lire des lettres de sa soeur Lotte, violée et assassinée dix années plus tôt, mêlant la jeune fille à une reconstruction du passé…

Mortelle mémoire écrit par celui que l’on ne présente plus, Jean-Paul Nozière, est un excellent roman, dont le style décalé rappellera les écrivains du début-milieu XXème siècle et qui m’évoquait pour ma part Le Grand Meaulnes, d’Alain Fournier (mais la comparaison s’arrête bien entendu là…si ce n’est peut-être l’intérêt d’Ariane pour Tobias ou la relation qui se noue entre eux…). En tout cas, nous sommes bien loin d’une écriture conventionnelle, et c’est déjà ce qui fait l’une des forces de ce roman. Car le style est une clé majeur dans la sensation qui se dégage des personnages : la longueur des phrases est comme une retranscription de la lenteur du quotidien de ces deux êtres hors du monde, reconstituant le passé.
Et puis si le style de Jean-Paul Nozière est aussi le reflet de ce qui se dégage de ses personnages solitaires c’est sans doute parce qu’il a adopté un regard interne, le « je » d’Ariane, qui malgré ses quinze ans, n’a pas la vitalité, la joie, l’ironie ou la fougue de son âge. En décalage avec ce que l’on a l’habitude de lire.
Loin des ordinateurs et de la technologie du XXIème siècle, Tobias (ou « l’Allemand ») et Ariane sont comme des survivants du passé, des êtres en communion avec ce qui est parfois oublié : la nature. C’est à vélo et à moto, dans un village qui malgré les années semble immuable, que les deux personnages de ce roman, redécouvrent leur environnement, et particulièrement Ariane, confrontée à une histoire qui au départ ne la concernait pas.
L’atmosphère de cette Mortelle mémoire est lourde, remplit de silence que les réflexions d’Ariane comblent partiellement. Peu à peu l’histoire, sombre et obscure se reconstruit. C’est envoutant, bouleversant, violent et surtout à part. Le suspens est là, sans action rocambolesque, simplement dans la description quotidienne d’une recherche de vérité. Cette évasion fait du bien, malgré le thème qu’elle aborde, la cruauté qui se dévoile à demi-mots. Une sensation étrange domine le roman, inexplicable en faite, mais qui charme : c’est une autre force de Mortelle mémoire.
Un récit qui se lit d’une traite, qui nous captive et qui nous surprend, dans lequel on découvre peu à peu le caractère de Tobias et Ariane et qui nous laisse songeur en refermant le livre, mais aussi subjugué. Nozière touche, surprend jusqu’au bout et vient une fois de plus confirmer sa capacité à inventer, imaginer, emporter le lecteur. A ne pas rater.

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