La Première fois on pardonne d’Ahmed Kalouaz

Age :  12 – 15 ans
Éditeur : Le Rouergue : doAdo (2010)
95 pages

Note : 5 out of 5 stars

Elodie a trouvé refuge chez sa grand-mère il y a trois semaines, lorsque sa mère a décidé de partir du domicile familial. En feuilletant les pages d’un album photos, elle tente de recomposer l’histoire de sa famille, broyée par la violence conjugale.

Cette phrase, combien de femmes battues l’ont-elles prononcée comme pour donner vérité à ce qui n’était que mensonges : « La première fois on pardonne » mais que faire quand survient la seconde, la troisième, la dizième, la centième fois ? lorsqu’on ne peut même plus compter ? C’est ce sujet sensible qu’Ahmed Kalouaz a décidé d’évoquer dans ce roman.

A l’heure actuelle une femme sur dix est victime de mauvais traitements en France, infligés par son mari. Les journaux ont beau faire des articles, des livres comme La Première fois on pardonne, ont beau être écrits, le phénomène devenu Grande cause nationale depuis 2010, continue d’être conséquent et de toucher le monde entier.

Ahmed Kalouaz raconte avec délicatesse et pudeur cette violence conjugale qui est entrée au fur et à mesure dans la vie d’Elodie et de sa soeur, impuissantes face au drame qui se joue devant elles ou derrière elles, dans la pénombre de la nuit, chaque jour, chaque semaine, chaque mois, chaque année. Des rebellions, il y en a eu quelques unes mais aucune n’avait jusqu’ici réussi à aller plus loin que la réponse aux coups, permettant un temps mort dans la relation conflictuelle, toujours trop court.

Par petites touches Ahmed Kalouaz évoque dans La Première fois on pardonne, les souvenirs de ces coups infligés par le père d’Elodie à sa mère et la jeune fille repense à ces moments toujours entre bonheur et malheur.

Malgré ses quinze ans et le départ précipité de sa mère, personne ne veut vraiment lui raconter, alors elle n’a que ses souvenirs et les photos pour se rappeler les scènes effroyables qu’elle voyait, et d’autres instants, plus heureux.

La peur et l’éloignement des autres sont devenus, comme pour sa mère, son quotidien et même si Elodie n’a jamais reçue de coups, elle aussi est marquée. Retourner le passer, l’interroger, l’explorer, se souvenir, constituera au fur et à mesure une forme de thérapie qui l’aideront à se reconstruire. Comme beaucoup d’enfants qui assistent à ce genre de scène, l’adolescente est tiraillée entre l’amour pour sa mère et celui pour son père, qu’elle ne peut pas malgré tout, complètement haïr.

La Première fois on pardonne est un livre triste mais Ahmed Kalouaz le teinte d’espoir en regardant non pas vers le passé mais l’avenir à construire. Cette mère a réussi à s’en sortir, ce qui n’est pas le cas de toutes et le roman s’ajoute à cette longue liste de titres qui disent aux femmes battues : « allez-y, partez, n’ayez pas peur, des gens sont là pour vous aider à vous reconstruire ».

Un texte bref et coup de poing qui ne laisse pas indifférent. Un sujet peu abordé en littérature jeunesse qui méritait pourtant depuis longtemps une attention car ce n’est jamais évident pour des enfants de voir leur mère battue. On parle au fond jamais vraiment d’eux dans les articles. Un livre pour ceux qui aiment s’informer sur des sujets sensibles et douloureux, ou encore lire des livres en rapport avec des phénomènes de société et d’actualité.

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