Age : 15 ans et +
Éditeur : Mosaïc (2015)
370 pages
Note :
1959 en Virginie. D’un côté, Sarah, une adolescente noire, fait sa première rentrée dans un lycée de blancs avec 11 autres élèves noirs. Le climat est tendu et chaque jour, les noirs doivent affronter les injures et les coups des blancs. De l’autre côté, Linda, une adolescente blanche ne voit pas du tout d’un bon oeil l’arrivée de ces noirs au sein de son lycée. Parce qu’on lui a toujours dit que les blancs et les noirs ne doivent pas se mélanger. Comme on lui a toujours dit que les femmes ne peuvent pas aimer d’autres femmes. Sauf que Linda et Sarah sont en train de tomber amoureuses…
Des mensonges dans nos têtes de Robin Talley est un roman ambitieux. Il aborde de front deux lourdes thématiques dans un contexte historique bien défini : le racisme et l’homosexualité, à l’aube des années 60, aux Etats-Unis. Deux thématiques complexes, qui font écho l’une avec l’autre, rappelant simplement que la différence et les changements de société sont toujours compliqués à vivre pour ceux qui en sont les acteurs.
Des mensonges dans nos têtes m’a rappelé un autre roman pour adolescents, écrit par la française Annelise Heurtier : Sweet Sixteen. Le contexte est le même tout comme les choix narratifs : raconter l’arrivée des noirs dans un lycée de blancs aux Etats-Unis à la fin des années 50 et ce à travers le regard d’une noire et d’une blanche. Dans Des mensonges dans nos têtes, Sarah et Linda alternent leur voix pour témoigner de cette étrange période qui ébranle les esprits des blancs et marquent à vie celle des noirs.
La première partie de Des mensonges dans nos têtes est racontée par Sarah. C’est la plus éprouvante et la plus violente car Robin Talley raconte à quel point la déségrégation s’est faite parfois dans la violence et la douleur lorsque la justice à ordonné que les noirs puissent se rendre dans les mêmes établissements que les blancs. Aux côtés de Sarah nous vivons les insultes, les coups, les crachats, le mépris des blancs envers les noirs, au quotidien. La cruauté humaine dans toute sa splendeur. Le roman devient parfois difficile et éprouvant à lire tant cela semble inimaginable. Et pourtant. Sarah incarne au sein de Des mensonges dans nos têtes, le témoignage de ces jeunes noirs qui luttèrent à leur niveau pour la déségrégation et son histoire est bouleversante.
La seconde partie de Des mensonges dans nos têtes se place du point de vue de Linda. C’est le regard de la blanche nourrit par les propos racistes que nous découvrons avec une pointe d’horreur et beaucoup d’antipathie. Linda est le personnage le plus intéressant du roman de Robin Talley car elle évolue énormément au cours du récit et l’auteur a vraiment fait tout un travail fin sur sa psychologie pour montrer comment, petit à petit, elle revoit son positionnement. Linda prend conscience au fur et à mesure du poids du racisme et de la ségrégation dans son éducation et c’est exprimé avec beaucoup de justesse dans Des mensonges dans nos têtes.
La troisième partie du roman de Robin Talley voit la voix de Sarah et de Linda s’alterner à chaque chapitre. Des mensonges dans nos têtes s’ouvre alors sur une thématique qui touche moins de monde que le racisme, mais est aussi associée à un fort rejet de la population ( à l’époque et même encore aujourd’hui) : l’homosexualité. En effet, Sarah et Linda vont tomber amoureuses l’une de l’autre, ce qui est inimaginable à cette époque, comme il est inimaginable qu’une noire et une blanche soit amies. Cette histoire d’amour se construit en parallèle de la question du racisme mais la rejoint aussi souvent, car elle montre le rejet fort de l’époque pour l’inconnu et ce qui est contraire à la norme. Il ne se passera pas grand chose entre les deux filles ( à peine quelques baisers), Robin Talley s’intéressant plus à l’aspect psychologique de la situation sur ses personnages, notamment à travers la personne de Sarah qui se pose beaucoup de questions.
Si certains pourraient reprocher que cela n’apporte rien à l’histoire, je crois au contraire que ça complète bien le roman car Des mensonges dans nos têtes ne parle pas uniquement de racisme mais plus généralement de différence et du poids de la société et des normes dans notre vie.
Des mensonges dans nos têtes est donc un roman unique et vibrant qui marque l’esprit de son lecteur tout au long de sa lecture et même au delà. Un roman qui parle de l’acceptation des autres et de soi-même dans une société en plein bouleversement. Deux témoignages sincères, justes et touchants, qui laissent une trace indélébile.
En quelques mots :
Des mensonges dans nos têtes porte un projet ambitieux : parler du racisme et de l’homosexualité, aux Etats-Unis, à l’aube des années 60. Robin Talley met en scène la voix de deux jeunes filles, l’une blanche, l’autre noire, pour raconter la déségrégation. Aux côtés de Sarah nous vivront toute la violence de cette période tandis qu’avec Linda, nous découvrirons le poids du racisme dans l’éducation des enfants blancs. Au terme de deux premières parties qui verront ces deux points de vue s’entrechoquer, l’émergence d’une histoire d’amour homosexuelle entre Sarah et Linda donnera à Des mensonges dans nos têtes une nouvelle dimension.
Juste, unique, marquant l’esprit de son lecteur, le roman de Robin Talley est un témoignage éprouvant et saisissant de cette époque charnière où les codes changent et où les deux héroïnes devront apprendre à s’accepter l’une envers l’autre et envers elle-même, pour ne pas se laisser happer par les conventions et le poids de la société.